Mais qu’est-ce qui fait courir les confréries ? A trois semaines du premier chapitre de la confrérie des Maqueux d’saurets qui se tiendra le 16 juin à Tergnier, nous le leur avons demandé à Saint-Quentin où la confrérie de la soupe tenait son cinquième chapitre dans le cadre des fêtes du Bouffon.
Première surprise avec Manolo, tout droit venu de la région de Waterloo en Belgique. « Goûtes, c’est de la Bolivienne … » lance t-il avec humour. De la grappa bolivienne plus exactement car il s’empresse de lever toute ambigüité : « la Bolivie ne produit pas que de la cocaïne. »
A la tête de l’Ordre de Santa Cruz, il se fait depuis la Belgique l’ambassadeur européen du Singani, une eau de vie de raisins obtenue à partir de la distillation du vin de muscat d’Alexandrie.
Alcool bolivien, muscat d’Alexandrie… Cherchez l’erreur ; elle est historique. Elle remonte à l’implantation de vignes par les conquistadors espagnols dans les hautes vallées du peuple Incas ; dans des conditions si spécifiques que le Singani bénéficie aujourd’hui de la protection du label d’appellation d’origine contrôlée.
L’Ordre de Santa Cruz a tenu son premier chapitre solennel le 2 février dernier prés de Waterloo et il en sera ainsi chaque année à la même période. Pourquoi février ? « Parce qu’en 2017, nous espérons pouvoir le tenir en Bolivie où ce sera alors l’été. » Et pourquoi la Belgique ? « C’est approximativement au centre de l’Europe donc plus commode pour nous. »
Ne faut-il pas voir dans cette stratégie un zest de préoccupations économiques ? Manolo ne s’en cache pas : oui, il aimerait voir le Singani obtenir ses lettres de noblesse européennes. C’est un produit dont il est fier, issu d’un pays dont il est fier également et cela suffit à justifier sa place dans les rangs des confréries, hétéroclites en apparence mais paradoxalement très serrés.
Tout droit venus de la région de Metz, Paul et Marinette en témoignent. Eux, représentent la Confrérie des Cochonneux de la Seille. Leur spécialité ? « Le cochon de lait à la broche ; le cochon de lait en gelée aussi… » Des traditions culinaires nées de l’activité humaine des berges de la Seille , une rivière au bord de laquelle on prenait le temps jadis de préparer, de partager et de savourer collectivement un repas qui prenait du coup des airs de fête. Marinette est formelle : « nous luttons à notre façon contre la malbouffe! »
En termes à peine moins châtiés, elle partage en somme les préoccupations de Pierre Bustany, le digne représentant de la confrérie du Livarot, fameux fromage normand dont la réglementation européenne a bien failli sceller définitivement le sort.
Rien ne prédestinait ce professeur de médecine de l’université de Caen à intégrer les rangs d’une confrérie si le cours des évènements ne l’avait pas conduit à plaider la cause d’un fromage au lait cru. « J’avais initialement une piètre opinion des confréries mais lorsque celle du Livarot m’a proposé de prolonger en son sein mon travail de conférencier, j’ai accepté de bonne grâce » confie t-il.
L’ennemi n’était plus tant alors l’image désuète un tantinet folklorique de ces petits cercles d’initiés mais l’uniformisation de la production fromagère qui, au nom de l’hygiénisme sert ce qu’il considère comme une hérésie nutritionnelle. Le spectre de la malbouffe là encore, qui tue un produit, un savoir-faire et le ciment d’une petite région aussi sûrement qu’une culture.
Au sein de la confrérie des compagnons de la Ficelle picarde et des compagnons de la Rabotte picarde, Colbert et Michel se font, dans leur combat contre ce spectre, les gardiens de l’authentique ficelle picarde conçue à Amiens sans le moindre secours de sauce béchamel.
Paradoxalement, ce n’est pas la ficelle picarde qui initialement, les a réunis mais la confrérie en tant que groupe associatif, avec ses plaisirs et ses déceptions, ses rapports humains et ses échanges dans la diversité.
Idem pour Sylvette Hennebique, pétillante nordiste qui depuis de la confrérie de la pomme d’Amour, agite volontiers l’étendard de Vitry en Artois, ou encore pour Michel Meurée, du Devoir parisien des Compagnons du Beaujolais qui depuis 1949 entretient au travers du Beaujolais nouveau le sens de la fête et de l’amitié cimenté par « les plaisirs simples de la vie. » « Mes motivations ? » interroge t-il. « Pas grand-chose... Tout simplement cela » répond t-il en embrassant l’assistance bigarrée d’un large mouvement.
Par-delà leurs particularité, toutes ces confréries entretiennent et partagent au final la richesse de la diversité qui fait le charme de la vie; celle-là même qui à Tergnier, réunit une fois l’an en musique la population autour d’un sauret et d’une pomme de terre agrémentée d’oignons.
Maqueux d'saurets, Cochoneux de la Seille, Compagnons de la Ficelle picarde et de la terrine de foie de porc... Ils se sont engagés en choeur à promouvoir l'esprit et les ingrédients de la soupe du Bouffon.
Maqueux d'saurets, Cochoneux de la Seille, Compagnons de la Ficelle picarde et de la terrine de foie de porc... Ils se sont engagés en choeur à promouvoir l'esprit et les ingrédients de la soupe du Bouffon.




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