Comment le Centre de vie doit-il appréhender les effets secondaires d’un allongement croissant de l’âge de la retraite ?
Entretien avec l’ancien député-maire Jacques Desallangre qui, presque vingt ans après l’avoir inauguré, donnera demain son nom à cet équipement unique par son mode de fonctionnement inspiré du modèle des M.J.C.
Vous donnerez demain votre nom au Centre de vie, plus de dix-neuf ans après l’avoir inauguré en 1994. Ce bel hommage ne vous paraît-il pas un peu tardif ?
Non car cela n’eut pas été possible avant. Les députés en fonction n’ont pas le droit de recevoir ces honneurs-là. Cela vient à un moment où je sors du jeu politique. Il eut été indécent que cela vienne à l’époque.
A l’époque justement, pressentiez-vous que la vraie révolution en ce domaine serait moins dans le caractère imposant et moderne du bâtiment que dans la façon de le faire vivre ?
Je l’ai fais pour cela ! Quand je dis « je », c’est évidemment l’ensemble de l’équipe municipale mais le fait est qu’en tant que maire, c’est à moi qu’il revint de justifier cet investissement et ce que nous en attendions.
Il faut remettre les choses dans leur contexte : les anciens de la ville se retrouvaient à l’époque deux fois par semaine dans les locaux du MRL (NDR : l’actuel centre socioculturel) où on leur servait du café et un sandwich autour de jeux de dadas et d’une belote. Il s’agissait de passer du MRL à ce qu’est aujourd’hui le Centre de vie or les gens comprenaient mal nos ambitions. Même les anciens ne comprenaient pas. « Nous n’avons pas besoin de tant ! » s’exclamaient-il, or nous étions sûrs, nous, qu’il faudrait bien, au contraire, ce vaste espace pour passer d’une logique d’activités du 3e âge à une vraie dynamique de divertissement et d’implication des anciens dans la vie locale.
« Vous ne mettez pas de directeur ? » me lançait-on. Et invariablement, je leur répondais : « mais comment cela, un directeur ? Vous étiez chef de bureau, directeur vous-mêmes et maintenant, vous voudriez que quelqu’un vous dise ce qu’il faut faire et comment le faire ? Vous verrez : il y aura des gens qui voudront faire des choses » leur lançais-je. Et les faits m’ont donné raison.
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Jacques Desallangre: " vous verrez, il y aura des gens qui voudront faire des choses..."
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Disposiez-vous d’indicateurs particuliers pour afficher, dans un climat général de perplexité, une telle assurance ?
Très franchement, non. Nous y avons été au flair. Tout juste savais-je que mes parents et moi n’étions pas de la même génération. J’avais conscience d’être engagé dans une profonde mutation culturelle. Entendons-nous bien : il s’agissait bien moins de répondre aux besoins formellement exprimés en 1994 que d’anticiper sur les besoins encore sous-jacents à l’époque. Ceci explique les reproches que l’on nous fit alors à propos de la taille de l’équipement, jugée disproportionnée par rapport aux besoins exprimés. Dans les faits, cela a pris douze ans mais ce qui devait arriver est arrivé : il nous a fallu aménager également le rez-de-chaussée car l’étage n’y suffisait plus. Et je suis sûr que l’un de mes successeurs devra envisager un jour une extension car la réalité est là : plusieurs générations d’anciens se côtoient. Au Centre de vie aujourd’hui, on continue à jouer à la belote mais on apprend aussi l’Anglais.
Dans les concours de belote comme dans les cours d’Anglais justement, on trouve des anciens mais aussi des gens encore très éloignés de l’âge de la retraite. Aviez-vous imaginé ce mixage des générations ?
C’était un souhait mais je croyais que ce serait plus long et plus difficile. Dès 1984, on y a réfléchi. Les anciens étaient alors dans leur case et les jeunes dans la leur. Il fallait modifier cela mais je ne pensais pas que cela irait très vite. Il faut bien comprendre que les anciens de l’époque étaient issus des années 1910-1920. Pour eux, c’était « les jeunes avec les jeunes ; les vieux avec les vieux. »
Le recul de l’âge de la retraite provoquera inévitablement un recul de la disponibilité des plus anciens à la vie locale ; le entre de vie ne risque t-il pas d’y perdre sa « moelle » ?
Ce serait sans doute le cas si l’on travaillait effectivement de plus en plus longtemps mais la réalité est autre. Les seniors travaillent de moins en moins car les employeurs les jettent. Le recul de l’âge de la retraite les rend plus longtemps officiellement employables, ce qui ne signifie pas actifs. Au lieu d’être au chômage de 57 à 62 ans, ils finiront par l’être de 57 à 67 ans. Ce sera dramatique pour les caisses mais pas seulement. Des infrastructures comme le centre de vie seront salvatrices car elles offriront à tous ces seniors une moyen de conserver une vie sociale. Car même avec l’âge, on ne se contente pas de deux goûters par semaine et de quelques petites choses annexes. On a aussi besoin de vie sociale. Je le constate moi-même lorsque je fréquente les cours d’Anglais ; nous y vivons ensemble nos difficultés et nous y rions ensemble. Ce centre de vie a beaucoup apporté aux plus anciens ; je crois qu’il était extrêmement important de le réaliser. Nous avons investi dans les équipements sportifs, dans les équipements culturels, dans les équipements voués à la Petite Enfance … Il fallait aussi le faire en direction de ce que l’on qualifie ordinairement de troisième âge.
----------------------------Question subsidiaire--------------------------



Par l'intermédiaire de Facebook, je viens de découvrir à la fois, cet article/interview fort intéressant sur la genèse du Centre de Vie Ternois, et l'existence du FIL TERNOIS dont j'ignorais jusqu'à présent qu'il existait !
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Bravo Marc!